Je dois bien l’avouer : dans la panique qui a suivi dans ma tête, je ne me rappelle plus vraiment comment l’idée d’illustrer moi-même mon livre est arrivée sur la table. Sans doute une sombre histoire de budget serré, histoire d’être certaine que le projet verrait bien le jour. Depuis ma première proposition à mon éditeur, j’ai fait un certain nombre de choix pour concilier la vision que j’avais de mon ouvrage avec une facture plus légère pour la maison d’édition (tout ça pour m’assurer qu’il ne serait pas annulé en cours de route). J’ai donc opté pour un tout noir et blanc, sans la moindre nuance de gris et les complications graphiques qui vont avec. Quand s’est posée la question de l’habillage, nous avons d’abord réfléchi à un livre sans dessin (les photos étant totalement hors de question pour des raisons évidentes de droits), avant de pencher vers des petites icônes rappelant l’univers, mais libres de droit. C’est sans doute à ce moment-là que, face à mes très nombreuses remarques et attentes, et forte des quelques croquis (5 ou 6, pas plus) que j’avais réalisés pour le Guide de Poudlard, il a été évoqué que je pourrais peut-être m’occuper moi-même des illustrations.
Dans une première idée le manoir était vu en partie |
Après quelques réunions intenses… avec moi-même, nous avons décidé d’un commun accord que ce serait le meilleur moyen de garder un contrôle quasi total sur la construction du livre et son esthétique. Toutefois, si je dessine depuis l’enfance, je n’ai jamais vraiment développé de style propre, me contentant le plus souvent de reproduire les illustrations de mes mangakas favoris. Et pour ne rien arranger, j’avoue avoir un peu délaissé mes crayons ces dernières années au profit de l’écriture. Autant dire que je n’ai pas abordé ce nouveau défi sereinement.
Tablette pratique
Recherche Mercredi désespérément !
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Evolution en dessin de Mercredi |
Au fil de l’évolution du manuscrit, un certain nombre de dessins ont germé dans ma tête. Mais avant de les concrétiser, il fallait que je trouve un style cohérent et que je m’y tienne. La contrainte que je m’étais imposée – pas de dégradés de gris – compliquait encore les choses. Ma première mission a été de trouver ma version de Mercredi. Ce ne fut pas une mince affaire : mes croquis partaient dans tous les sens. Parfois trop expressive, parfois trop éteinte… mais jamais satisfaisante. J’ai tout essayé : un style manga (retoqué immédiatement par mon éditeur – et avec le recul, je comprends pourquoi) et un style plus burtonien pour rendre hommage à l’ambiance de la série. Finalement, à force de m’arracher les cheveux, j’ai décidé de passer directement sur la tablette. Et c’est là que j’ai enfin trouvé ma Mercredi. À partir de là, tout a coulé de source… ou presque, car j’ai dû m’entraîner dur sur les mains (mon point faible absolu) pour donner vie à La Chose.
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Travail sur les mains |
Artiste moi ? Je suis pas sûre...
Étant totalement autodidacte, j’ai toujours admiré les artistes capables de créer même quand ils n’en ont pas envie. Moi, je suis incapable de sortir le moindre trait correct si l’envie n’est pas là. Mes périodes créatives sont complètement aléatoires, aussi bien en durée qu’en intensité, et il m’est arrivé plus d’une fois de ranger ma tablette dans un coin pendant des semaines. Autant dire que ce fut une source de stress considérable : entre ma lenteur de tortue, mes phases de “blocage total” et la petite voix perfide qui me répétait que mes illustrations risquaient de desservir le livre… l’aventure a parfois eu un goût amer. Mais après avoir muselé tant bien que mal mon cerveau, j’ai fini par livrer des dessins dont je suis fière. J’ai travaillé main dans la main avec mon maquettiste, Steeven, du début à la fin, échangeant sans cesse nos idées pour habiller les pages comme il se doit.
Finalement j'ai opté pour une vue entière du manoir |
208 pages, 6 mois de travail et 1001 angoisses
Aujourd’hui, le livre est terminé et sur le point d’arriver en librairie. Et voilà que toutes mes craintes remontent d’un coup : peur du rejet des lecteurs, peur des critiques des professionnels du dessin qui croiseront la route de ma Mercredi. Mais malgré tout… je sais que je n’aurais pas pu, ni voulu, faire autrement. Mercredi ou l’héritage de la Famille Addams est exactement tel que je l’ai rêvé et surtout conçu.
Et vous ?
Avez-vous déjà osé vous lancer dans un projet créatif qui vous semblait trop grand pour vous ? Peut-être un dessin, une histoire, une peinture ou même une chanson ?
Croyez-moi, parfois, il suffit juste d'un coup de pouce ou de crayon !