Prochain arrêt : l’imaginaire.
C’est une formule que je n’ai jamais vraiment prononcée dans le métro… et pourtant, elle résume assez bien mon quotidien. Parce qu’au fond, c’est exactement ce qui se passe : j’annonce un trajet bien réel, et pourtant, derrière, mon esprit file sur des rails invisibles.
Le micro, mon premier terrain de jeu narratif
Faire une annonce dans le métro, ça paraît simple : dire où l’on va, donner une information, rassurer un peu les voyageurs. En vérité, c’est un exercice beaucoup plus subtil.
Quelques secondes, une foule distraite et un message qui doit être clair, efficace, compréhensible de tous. C’est un peu comme écrire une première phrase de roman : si je perds l’attention au bout de quelques secondes, plus personne ne suivra le reste du trajet.
Au fil du temps, j’ai appris que le micro est comme une plume : chaque mot compte, chaque intonation peut transformer une information banale en petit moment particulier.
Inventer des mondes en une phrase
Je l’avoue, je détourne systématiquement mes annonces. Ce n’est pas la ligne qui part vers Villejuif Louis Aragon ou Mairie d'Ivry, mais vers Poudlard, Hyrule, Isla Sorna, le Mordor, Namek ou le Royaume Champignon.
Ce n’est pas grand-chose, quelques mots lancés en l’air, un message joué (malgré mon piètre talent d'actrice)… mais dans ces références, il y a des univers entiers qui s’invitent dans le quotidien des voyageurs.
C’est exactement ce que j’essaie de faire quand j’écris : condenser un monde, une atmosphère, une promesse en une phrase. Comme un pitch miniature. Et voir, parfois, un sourire apparaître au milieu des visages fatigués, c’est comme sentir un lecteur tourner la page avec envie et ça, je le reconnais, c'est ma meilleure récompense.
Capter l’attention, coûte que coûte
On ne va pas se mentir : dans le métro, personne n’attend mon annonce. La majorité a les écouteurs vissés aux oreilles, le regard perdu dans un écran ou dans le vide. Pour me faire entendre et écouter, il faut donc surprendre.
Un mot inattendu, une tonalité qui interpelle, un clin d’œil à la pop culture… Et hop, une tête se relève, une oreille s’attarde.
C’est le même défi en écriture. Dans un monde saturé de récits, de notifications et de distractions, comment retenir un lecteur ? En osant une ouverture surprenante, une image singulière, un détail qui accroche. Mes passagers deviennent, sans le savoir, les cobayes de mon laboratoire d'expérience en narration.
Transformer l’ordinaire en extraordinaire
Le métro est le lieu du quotidien par excellence : bruyant, gris, répétitif. Mais justement, c’est ce cadre neutre qui rend magique le moindre écart. Quand une annonce joue avec les codes, le banal se fissure et laisse passer un peu de lumière.
Écrire, c’est ça aussi. Partir du réel le plus terre-à-terre et y insuffler une nouvelle étincelle. Faire d’un café tiède une potion magique. D’un quai bondé un quai de gare vers un autre monde. Chaque annonce est pour moi une micro-histoire, un rappel que l’imagination peut transformer n’importe quel décor.
"Mesdames et Messieurs, votre attention s'il vous plaît..."
Chaque trajet que je commente devient un petit entraînement de conteuse. Les rails me rappellent que les histoires suivent toujours une ligne, mais que ce qui compte, ce sont les haltes, les surprises et les détours qui jalonnent le voyage.
Alors, la prochaine fois que vous entendez une voix dans le métro, peut-être qu’elle n’annonce pas seulement une station, mais peut-être qu’elle vous invite déjà à plonger dans une histoire et à mettre un peu de magie dans votre quotidien…
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